Critique de la scripted reality, 2/2 : une morale trop simpliste

17 décembre 2012

Critique de la scripted reality, 2/2 : une morale trop simpliste

Aujourd’hui, deuxième partie de notre critique de la scripted reality. Au programme aujourd’hui : la moral simpliste de ce genre télévisuel.

Au-delà des confusions qu’elle opère entre réalité et fiction, la scripted reality a un autre problème : une vision simpliste des affaires humaines. Ce qui est dommage, car on pouvait justement espérer qu’en prenant appui sur des faits divers réels, ce genre explorerait la complexité de la vie humaine.

Gentil, ou bien méchant. Et rien d’autre.

Seuls deux types de personnes existent, en scripted reality : les gentils et les méchants. Par suite, deux cas de figure peuvent survenir : soit chacun est identifié dès le début ; soit un retournement se produit, et on apprend que le méchant est en fait gentil (ou l’inverse).

Un exemple de chaque cas :

  • dans « Ennemis intimes » (« Si près de chez vous », France 3), on suit l’histoire de deux escargotiers rivaux, Charles et Romain. Le premier, jaloux et méchant, détruit les escargots de Romain et couche avec sa femme. Romain, lui, gentil et innocent, se défend du mieux qu’il peut, et réussira à envoyer son ennemi en prison. Dès le début, on sait qui est gentil et qui est méchant ;

  • « Le beau-père de Marc » (« Mon histoire vraie », TF1), raconte les mésaventures de Marc, dont la mère sort avec un danseur cubain. Marc, persuadé que le Cubain n’en veut qu’à l’argent  de sa mère, le fait suivre par un détective privé… jusqu’à ce qu’il se rende compte que le Cubain en question a déjà de l’argent, et qu’il aime réellement sa mère. En un tour de main, le méchant est devenu gentil.

 

Le règne des happy ends

La plupart de ces fictions de réel scénarisé dévoilent un monde idyllique, où tout se finit bien. Alors que, là aussi, on pouvait espérer autre chose de faits divers réels. Ainsi, dans « André et le héros anonyme » (Mon histoire vraie, TF1), le héros – André –, fait une chute à moto et est sauvé par un héros anonyme, qu’il cherche ensuite à retrouver. Il découvre un homme solitaire, en colère contre le monde et lui-même, qui vit en marge. Mais, en lui parlant, André réussit soudainement à redonner le goût de vivre à cet ermite, avec qui il devient très ami.

Un autre exemple : celui de « Chercher la femme » (Face au doute, M6), où Chantal Prugnaud pense que son mari la trompe. Jusqu’à ce qu’elle découvre que ce n’est pas le cas, mais que M. Prugnaud est en fait un « homme-fleur » – un homme éprouvant le besoin de se travestir en femme. Choquée par cette découverte, elle quitte son mari vers la fin de l’épisode, se disant incapable de l’accepter ainsi. Puis, quelques mois après, elle se rend qu’elle peut l’accepter, et revient vivre avec lui. Sans qu’on ait plus d’explication sur ce revirement.

C’est dommage, car les changements survenus dans la psychologie de l’ermite et de Chantal sont passionnant, et mériteraient d’être creusés. Ils pourraient, à eux seuls, constituer la trame d’un grand film, mais la scripted reality les évite.

Enfin, la nécessité du happy end à tout prix entraîne quelquefois des renversements narratifs stupéfiants, et peu crédibles. Pour un exemple très représentatif, n’hésitez pas à jeter un coup d’œil à « La double vie du mari d’Anna » (Mon histoire vraie, TF1)

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