Critique de la scripted reality, 1/2 : ni fiction, ni reportage

6 décembre 2012

Critique de la scripted reality, 1/2 : ni fiction, ni reportage

Empruntant des éléments à la fois à la fiction et au reportage, la scripted reality est un mauvais mélange des deux genres. Avec, en prime, un peu de télé-réalité.

Que vaut la scripted reality ? Arrivé en France au début de l’année, ce genre télévisuel – qui consiste en de courtes fictions, inspirées d’une histoire vraie, et tournées comme des reportages – est critiqué pour ses scénarios peu recherchés et son côté « brouillon ». Il a pourtant un avantage : ses coûts de production ne sont pas élevés. Que penser, alors, de la scripted reality ? Nous avons regardé pour vous…

 Une caméra qui montre à la fois le réel et l’imaginaire

Est-ce de la fiction, ou du reportage ? De la fiction déguisée en reportage, serait-on tenté de dire : le film, dont le scénario provient d’une histoire vraie, est joué par des acteurs, mais tourné de façon ressembler à un reportage. Regardez donc le début de « Mon mari m’utilise pour son élection » (Le jour où tout a basculé, France 2) :

https://youtu.be/rqYB9aKApmo

Sauf que la caméra ne joue pas un simple rôle de reportage : elle montre des scènes qui ne se sont jamais déroulées, ce qui est une caractéristique de la fiction. Ainsi, dans « Giflé par le maire » (Le jour où tout a basculé, France 2), on voit à l’écran plusieurs scènes différentes, correspondant aux différentes versions d’une agression dans laquelle un maire à été impliqué.

De plus, la présence de la caméra n’est pas toujours assumée. La plupart du temps, tout se passe comme si elle était absente, comme dans une fiction : on voit les personnages marcher, téléphoner, pleurer, comme si aucun journaliste ne les filmait. Mais, quelquefois, le héros se rend subitement compte de sa présence, et lui adresse la parole. Ainsi, dans « La Chute » (Face au doute, M6), on suit les péripéties d’une femme essayant de découvrir la double vie de son mari. L’héroïne, toute à son enquête, ignore royalement la caméra, jusqu’à que le caméraman lui pose des questions, alors qu’elle conduit. Elle lance alors : « Taisez-vous, je conduis, ça me déconcentre. »

Une voix off qui hésite entre l’omniscience et l’ignorance

La voix off rencontre le même problème que la caméra : elle se comporte quelquefois comme une voix off de fiction, omnisciente, et quelquefois comme une voix off de reportage, non-omniciente.

Dans « Giflé par le maire », par exemple, elle passe la première partie du film à développer les différentes versions de l’agression, avouant ne pas savoir laquelle est la bonne. Puis, soudainement, alors que le coupable a commencé à avouer, elle déballe tout : c’est lui qui a engagé Yohan Arnoult, pour qu’il insulte le maire et se fasse gifler. Ce qui montre qu’elle savait en fait tout, comme dans une fiction.

Les codes de la téléréalité, mais non assumés

En fait, consciemment ou non, la scripted reality cherche surtout à imiter la téléréalité. Très significatif de cela : ces passages, où, face à la caméra, les héros expliquent ce qu’ils ont ressenti à tel ou tel moment.C’est ce que l’on trouve, par exemple, au début de cet épisode des « Ch’tis à Mykonos » (W9) :

https://youtu.be/cwJ0fr7UNOQ

Problème : en scripted reality, ces passages sont tantôt au passé et tantôt au présent – comme si le metteur en scène avant mis l’histoire en pause, le temps que les héros racontent leur ressenti. « Elle est en train de tomber dans le piège. », explique par exemple le héros de « Prête à tout » (Au nom de la vérité, TF1), alors que son ex-copine est en train de tomber dans le piège qu’il lui a tendu.

De même, alors qu’en téléréalité, ces confessions sont censés être des moments de vérité, où le héros dévoile au téléspectateur les émotions qui l’habite, elle ne constitue, en scripted reality, qu’une occasion de plus pour mentir. Reprenons ce chef d’œuvre qu’est « La Chute » : l’héroïne découvre, peu à peu, que son mari mène une double vie. Mais, à chaque fois qu’elle découvre quelque chose et lui révèle, il lui ment, et lui cache encore la vérité. Malgré tout, à chacun de ces mensonges, il répète à la caméra : « Ah, j’étais content de lui dire enfin la vérité ! Je me sentais tellement heureux, de ne plus vivre avec ce mensonge. »

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