Benjamin Ooghe-Tabanou, de Regards Citoyens : « En politique, la transparence progresse »

Article : Benjamin Ooghe-Tabanou, de Regards Citoyens : « En politique, la transparence progresse »
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14 octobre 2012

Benjamin Ooghe-Tabanou, de Regards Citoyens : « En politique, la transparence progresse »

Aujourd’hui, nous vous proposons une interview de Benjamin Ooghe-Tabanou, l’un des fondateurs de Regards Citoyens. Fondée en 2009, cette association a pour but de permettre un meilleur accès des citoyens aux informations publiques.

Surtout connu pour les sites nosdeputés.fr et nossenateurs.fr, qui synthétisent le travail de chaque parlementaire, Regards Citoyens a effectué plusieurs travaux sur le thème de la transparence : une couverture de débat parlementaire via Twitter,  une étude sur le poids du lobbying dans l’élaboration de la loi, ou encore un examen du redécoupage électoral.  Il s’agit, en un mot, d’une association engagée pour la transparence en politique. Cette notion,souvent évoquée dans les discours politiques actuels, est souvent critiquée : trop difficile à mettre en œuvre, trop simplificatrice pour permettre une vraie réflexion, elle serait dangereuse pour la démocratie et le débat citoyen. Qu’en pensent les membres de Regards Citoyens ? Nous avons interrogé l’un d’eux, Benjamin Ooghe-Tabanou.

Bonjour Monsieur Ooghe-Tabanou. Regards Citoyens est une initiative récente, qui fonctionne surtout grâce aux nouveaux médias. Diriez-vous que, grâce au développement de ces médias, nous entrons dans une ère de la transparence ?

Il est clair que la transparence en politique progresse : des sites comme le nôtre apparaissent dans le monde, les questions d’open data prennent de plus en plus d’importance… Les gouvernements sont conscients qu’un système transparent améliore la participation des citoyens, et les hommes politiques ont compris l’intérêt qu’ils avaient à ce que leurs actions soient connues de leurs électeurs.

La transparence se développe donc, et c’est important : la population est actuellement très méfiante vis-à-vis du pouvoir, et une transparence accrue peut aider à remédier à cela.

Mais cette transparence porte surtout sur des données chiffrées. Sur les sites nosdeputes.fr et nossenateurs.fr, par exemple, vous indiquez le nombre d’interventions de chaque sénateur, mais vous ne dites rien sur la qualité de ses interventions.

Nos sites ne fournissent pas que des données numériques brutes : le texte des interventions est aussi consultable. Ensuite, c’est aux internautes de lire, et d’enrichir ces chiffres bruts par une compréhension des interventions.

Mais cela demande un investissement accru de la part des citoyens…

Plus de transparence en politique nécessite toujours un investissement accu de la part des citoyens, qui doivent s’approprier ce qui est rendu public. L’intérêt d’internet est qu’il nous permet de toucher une masse énorme de gens, qui peuvent ré-examiner et évaluer les données brutes. Ainsi, certaines de nos actions se font grâce à l’aide des citoyens lambda, comme notre étude sur le poids des lobbys.

Comment avez-vous procédé, pour cette étude ?

Il s’agissait de comprendre quelle était l’influence réelle des lobbys sur le processus de fabrication de la loi. Pour cela, nous avons dressé la liste de toutes les personnes auditionnées à l’Assemblée nationale, puis nous les avons classé selon le type d’organisme auquel elles appartenaient : organisation religieuse, think-tanks, conseil privé…

On peut trouver, dans les rapports des commissions parlementaires, la liste des personnes auditionnées. Mais ces rapports ne sont jamais formatés de la même façon, et il fallait donc extraire « manuellement » les noms. On a demandé de l’aide aux internautes, pour extraire ces noms et voir à qui ils appartenaient : plus de 3000 personnes sont venues nous aider, et le travail était achevé en 10 jours !

Et qu’en est-il des internautes qui consultent votre site ? Analysent-ils le contenu des interventions, ou se bornent-ils à les compter ?

Nos visiteurs ne sont pas des spécialistes du travail parlementaire, et ce n’est pas forcément facile pour eux d’analyser en détail les interventions et projets de loi de parlementaires. Mais ils les lisent et les critiquent : 80% des commentaires de nosdeputes.fr portent sur le fond : « Je soutiens l’idée du député X», « Comment Y ose-t-il affirmer cela ? », etc..

La transparence, en politique, ne sera jamais totale : on peut rendre publique les débats et les auditions, mais on ne peut jamais savoir si des rencontres suspectes n’ont pas eu lieu à la buvette, ou si des pressions ne sont pas exercées par téléphone. En d’autres termes, rendre des actions ou des débats transparents ne fait que déplacer la zone d’opacité…

Il est certain que l’on ne peut pas tout rendre public, et qu’il restera toujours des rendez-vous secrets dont personne ne pourra avoir connaissance. Mais nous demandons l’élargissement des données rendues publiques, comme par exemple les votes et les agendas des parlementaires : plus on développera la transparence, et plus les zones d’obscurité se réduiront…

Ensuite, il restera toujours des zones d’ombre, mais on ne peut pas non plus envahir la vie privée de chaque homme politique.

Avez-vous d’autres projets, pour la suite ?

On a un projet en cours, en partenariat avec Sciences-Po : analyser l’élaboration d’une loi, de sa présentation par le gouvernement à sa promulgation. On étudie chaque modification, en essayant de distinguer celles qui ne concernent que la forme, et celles qui influent sur la nature de la loi. On a lancé ce projet il y a un an, on est encore au début.

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