Manifeste de XXI : rien de nouveau sur le web

Article : Manifeste de XXI : rien de nouveau sur le web
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12 février 2013

Manifeste de XXI : rien de nouveau sur le web

Le "Manifeste" de XXI
Le « Manifeste » de XXI

La polémique déclenchée avec la publication, par la revue XXI, d’un manifeste pour le journalisme rappelle celle causée en 2009, par un article sur les “forcats de l’info”. Quatre ans après, les arguments de chacun sont quasiment les mêmes.

C’est Xavier Ternisien, qui couvre l’actualité des médias pour Le Monde, qui avait déclenché les hostilités. En mai 2009, dans un article intitulé Les forcats de l’info, il avait dressé un portrait assez acide des journalistes web, ces ‘Pakistanais du Web’ qui passent des journées entières scotchés derrière leur écran. Les professionnels interrogés décrivent en effet un travail baclé, fait de copier-coller de dépêches d’agence. Pas le temps de vérifier les informations, il faut être rapide. Pas le temps, non plus, de sortir en reportage : il y a trop a faire sur le site web. Les horaires, de plus, sont très durs, car les sites doivent être actualisés tout le temps, y compris la nuit et le week-end. Quant a la reconnaissance sociale, elle est très faible, puisque les journalistes web sont souvent méprisés par leurs ainés de la version papier.

Se sentant attaqués, les journalistes web répliquent immediatement. Eric Mettout, de L’Express est l’un des premiers a tirer, en attaquant l’article sur son blog : il relativise le travail des journalistes web, pas si different du journalisme classique selon lui : « Quand Xavier Ternisien fait justement dire à Cécile Chalençon, de 20mn.fr, que son travail de journaliste Web ne s’arrête jamais, pourquoi ne dit-il pas que, par essence, c’est le cas, ou devrait l’être, de tous les journalistes? »

D’autres « forçats de l’info » préfèrent louer les capacités d’internet, comme Samuel Laurent, du Figaro : “Où ailleurs évolue-t-on aussi vite dans sa pratique professionnelle ? Où peut-on toucher à autant de sujets, à autant de supports? Où dispose-t-on d’une pareille palette d’outils, vidéo, audio, infographie, diaporama, revue de web, article, post, débat… pour traiter un sujet ? Où ailleurs peut-on bénéficier d’autant de points de vue, de sources, d’idées d’articles ? »

Enfin, certain médias web essaient de se différencier des ‘“forcats de l’info”. Arnaud Aubron, par exemple, insiste sur la spécificité de Rue89 : “Nous ne sommes pas abonnés à l’AFP, ni a aucune agence de presse (…) Nous avons fait le choix delibéré de ne pas nous lancer dans la course à l’immediateté.”

Un nouveau manifeste, une polémique inchangée

La publication, à la mi-janvier 2013, du « manifeste pour le journalisme » de XXI, a déclenché la même polémique. Dans ce texte d’une vingtaine de pages, Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupery, les fondateurs de XXI, soutiennent que le futur de la presse n’est pas sur internet, mais plutôt dans une presse écrite payante, de qualité, qui privilégie le reportage et le temps long.

Ce qui frappe, quand on lit le manifeste, c’est que ses auteurs insistent sur les mêmes points que Xavier Ternisien, quatre ans plus tôt : le fait de rester assis derrière son écran (« durant sa semaine de travail, le journaliste d’écran ne voit le plus souvent du monde extérieur que le chemin qu’il emprunte, matin et soir, pour se rendre à son bureau open space. »), la recherche du ‘clic’ (« qui pousse aux titres accrocheurs et aux sujets qui buzzent »), la rapidité à tout prix (“au bout de deux heures, une information est considérée comme old, démonétisée”.)

Et les réponses des journalistes web sont, elles aussi, les mêmes qu’il  a quatre ans : il est possible de faire du bon journalisme derrière un écran, la rapidité a toujours été une contrainte importante du journalisme, il y a sur le web des capacités inconnues ailleurs, etc.. (je me base sur les reactions publiées par Télérama et Libération).

Que retenir de cette seconde polémique? Premièrement, que la question est encore sensible : en pleine crise de la presse, alors que les modèles économiques sont en plein bouleversement, la question d’internet est encore perçue comme dérangeante. Deuxièmement, il est important de rappeler que l’opposition frontale presse écrite/internet, telle que la présentent Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupery ne fait aucun sens : il ne s’agit pas, pour le monde des médias, de faire un choix entre XXI et les sites d’information. Les deux, en effet, sont complémentaires, et ne peuvent exister l’un sans l’autre.

Article rédigé le 17 janvier et publié le 16 février, suite à l’interruption de Mondoblog.

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